La langue comme facteur d’hospitalité ?


Au-delà de l’hospitalité qui se matérialise notamment par l’accueil physique, nous notons qu’il existe également et pour reprendre les termes de Claire Mestre une « hospitalité dans la langue » [1]

 

Effectivement, si dans les précédents articles, nous mettions en évidence l’importance de l’apprentissage du français, il n’en demeure pas moins que parfois nous avons des personnes qui ne parlent pas le français. Nous pouvons justement effectuer ce parallèle avec l’article de Claire Mestre en ce sens que cette dernière mettait en avant « une pratique médicale » qui peut écraser le plus petit.

 

En effet, l’hospitalité est la première condition de l’accueil, « dans sa propre langue, de la langue de l’autre », d’où la nécessité de l’apprentissage réciproque de la langue. Par ailleurs, cette notion d’ « hospitalité dans la langue » est du à Ricœur partant du postulat de l’hospitalité langagière.

 

Cependant, nous le savons les langues sont teintés d’histoire, plus particulièrement d’histoire coloniale. Dans le cadre ici d’une visite médicale, nous notons que lors d’un échange avec le patient migrant une contrainte s’installe : En effet, il s’agit de « celle d’examiner sa langue dans son rapport à la nôtre, rapport marqué par l’histoire, par des idéologies et des idées », ce qui n’est pas sans rappeler la prédominance ou dirons-nous l’hégémonie d’une langue sur une autre.

 

C’est pourquoi parfois lors d’un échange avec un migrant et comme nous l’ont affirmé certains bénévoles lors de certains échanges avec des migrants, nous faisions appelle à des interprètes, à l’image d’une « médiation », ce qui n’est pas sans compter les nombreux biais que cela peut comprendre notamment celui de l’interprétation qui peut par exemple complètement falsifié un terme dont la signification n’a pas été saisi par l’interprète.

 

En somme, nous avons trouvé intéressant ici de mettre en exergue cette notion car comme le rapporte l’article : « Accueillir les migrants allophones dans nos institutions c’est leur offrir l’hospitalité dans la langue comme première reconnaissance », ce qui favorisera sans doute leur intégration. Ainsi, l’engagement auprès des migrants ne se fait que de manière physique, son acceptation ne se fait pas exclusivement par ce biais. De la même manière, il faut savoir prendre en compte leur langue, la comprendre et l’apprendre si possible afin d’y trouver un échange réciproque.

 

Un hiérarchie des langues ?

Cet appendice sur les langues nous parait ici très important car plus largement, dans l’accueil des migrants est compris aussi leur accueil dans les écoles, mais cela plus particulièrement pour l’enfant. Ainsi la question est ici de savoir à l’appui de l’article de Sylvie Rayna [2] comment sont accueillis les migrants et quelle est la forme d’hospitalité qui se met en place ici ?

 

Si nous traitions plus avant d’une certaine hiérarchie des langues, il n’en demeure pas moins que cette dernière est bel et bien présente chez les enfants de migrants qui « ont honte de parler notre langues ».

 

Cette ambivalence dont nous traitions auparavant et qui accolée au migrant n’est pas sans nous rappeler la condition des enfants d’immigrés qui sont comme « entre deux mondes » , ils jonglent entre deux langue et deux cultures et en tant qu’enfant il n’ont pas toujours les aptitudes et la maturité pour prendre une certaine distanciation critique et d’intégrer en somme « leur dimension plurielle ».

 

On le sait, l’école peut être un véritable levier et facteur d’intégrations pour les enfants migrants, mais n’y a-t-il pas ici une nouvelle fois des contradictions internes qui se jouent dans l’entre-soi du migrant.

 

En effet, face à une situation d’urgence, nous ne pouvons pas forcément prendre en compte toutes ces dimensions dans le cadre d’un accueil physique indispensable et immédiat, mais elles sont à penser a posteriori de cette étape franchie.

 

Ainsi, l’ « identité » du migrant est sans cesse renégociée , redéfinie , les frontières de l’entre soi s’avèrent poreuses car nous pouvons le dire dans certains cas à l’instar de l’article co-écrit par Slenn Carof, Aline Hartemann et Anne Unterreiner[3] , moins la solitude qui les marginalise que le flou dans lequel les laisse leur situation d’entre-deux, entre leur groupe d’origine et celui dans lequel ils souhaiteraient entrer, c’est cette ambivalence qui les condamne d’une certaine manière à demeurer à la marge et qui est un frein à leur incorporation et « intégration » dans la société .

 

En définitive et de cette manière le migrant est comme « atrophié »[4] et cela peut définitivement « perturber jusqu’à l’identité » et plus encore cela peut plus largement empêcher son identification à la société. Jusqu’à quand le migrant pourra rester dans cet entre-deux ? N’y at-il pas ici des politiques d’acceuil à revoir pour favoriser le bon déroulement de la société ?


[1] MESTRE, Claire, « Naissance de l’hospitalité dans la langue », L'Autre, vol. volume 18, no.3, 2017, pp. 379-387.

 

[2] RAYNA, Sylvie, « Enfants (de) migrants : quel accueil dans le préscolaire ? », Informations sociales, vol. 194, no. 3, 2016, pp. 72-80.

 

[3] CAROF, HARTEMANN, UNTERREINER, « La construction de l’Autre. Définir les « identités à la marge » dans l’espace européen », Politique européenne, vol. 47, no. 1, 2015, pp. 8-23.

 

[4] AGUILAR, BOUY , VERDIER, « “Je veux apprendre la France” », Hommes & migrations, 1288 | 2010, 36-42.