Le Rita-Plage


“Il se passe des choses cours Tolstoi...

 

    Une fois par mois il y a des apéros couture-mais-pas-que

    Une fois par mois aussi il y a des Meuf-In Stage

    Des fois il y a Chloé les yeux noirs qui mixe de la néo cold wave

    Sinon des jam session plutôt jazz manouche, avec des contrebasses

    Ou alors des soirées La Street pour faire honneur aux rappeurs du quartier.

    On a déjà vu une américaine Queer activiste faire une lecture

    Un bal folk servi avec des tapas vegan

    Un berlinois qui fait de l'expé tout seul

    La voisine qui expose ses premiers dessins,

    Des soirées de soutien, pour les assos qu'on aime et qu'on soutient.

    Des vides dressing, du blues, de l'electroclash, du clown.

 

    Avec Amour et BIENVEILLANCE”

Rita Plage salle Rita-Plage

 

Suite à notre démarche exploratoire à Villeurbanne, nous avons découvert le Rita-Plage. C’est début 2016 que Marlène et Etienne ont créé un lieu un lieu sans compromis, où chacun y a mit du sien. Il est question d’un est un endroit atypique et donc difficilement définissable. On y trouve des choses plurielles: restaurant végétarien le midi, bar le soir, scène de concert, ateliers, vide grenier… La cohérence se retrouve au sein de cet espace par le partage, la rencontre, l’ambiance “comme à la maison” avec cette idée de bienveillance constante. Nous pouvons parler d’un lieu culturel polyvalent et expérimental.

 

Comme nous le disions, le Rita Plage est un bar où une scène est mise à disposition pour les spectacles ; qu’elles concernent le théâtre, la musique, la lecture, ces représentations renforcent l’image que Marlène et Etienne veulent véhiculer: toute création est bonne à voir. En effet, il s’agit d’une entreprise sensible aux événements culturels et aux questions féministes et “ LGBTQI+. Nous pouvons parler d’engagement, dans la mesure où des choix spécifiques ont été établis dans leur programmation. Nous pensons tout particulièrement à notre sujet d’étude : le Meuf in stage. Une fois par mois, la scène est uniquement réservée aux femmes “meuf gouin trans”. Professionnelles et amatrices, nous faisant partager leur performances artistiques en tout genres.

 

Le constat est simple, les femmes artistes ont plus de mal à se produire que les hommes, demeurent moins présentes sur scènes et dans le domaine de l’art en général. Les raisons peuvent être multiples: historiques, sociales, religieuses… Encore aujourd’hui les femmes ne sont pas incitées à s’exprimer et à diffuser leur créativité. Pour reprendre les propos de Marlène, à compétences égale “une femme doit en faire 2 fois plus qu’un homme” pour être reconnue et elle aura plus de mal à “se sentir légitime” dans son rôle d’artiste. Devoir en faire plus, c’est travailler plus. C’est à dire avoir un meilleur réseau professionnel, un entourage plus ouvert à ses questions et souvent, avoir plus d’argent.  

 

Voulant apporter aux femmes un endroit où elles pourraient se produire, Marlène Deschamps a créer le concept du meuf-in-stage: des scènes réservées au “meuf, gouine, trans” avec un public mixte. Dans les faits, le public est essentiellement féminin. Les meuf-in-stage ont rencontré un succès dès le départ, tant du côté des artistes que du public. Pour notre gérante, ce succès souligne le fait que les meuf-in-stage répondent à un besoin: le manque d'événement organisé par des femmes pour des femmes. En effet, sur la métropole lyonnaise il y a peu de lieux pour se retrouver entre femmes, et plus largement entre personnes sensibles aux problématique de la question du genre.

Ce concept n’est pas inclu dans une démarche d’exclusion propre à la non-mixité mais dans le processus de mixité choisie c’est-à-dire, d’inclusion qui cherche à visibiliser les minorités.

 

Ces meuf-in-stage sont des scènes émancipatrices dans la mesure où elles donnent la parole à la minorité femme. Ce sont temps où les dominants prennent moins de place, pour favoriser l’expression des femmes artistes ; effectivement, nous avons interrogé le public afin de savoir quelles sont leurs attentes vis-à-vis ces soirées: “c’est nouveau” “rafraichissant” “plus libre” sans le “poids masculin” “plus doux” “entre nous” “bienveillant” “sans jugement”.

 

Suite à nos observations, nous nous sommes demandé si but du Meuf-in-Stage était de proposer une scène féminine ou  de construire un espace féministe. En somme, quelle est la frontière entre féminin et féminisme ? en d’autres termes, une scène de femmes qui renvoient des valeurs féminines est - elle féministe pour autant ? Effectivement, régulièrement l’on voit des femmes qui proposent des performances de femmes, c’est-à-dire que leur discours, leur art, est genré ; il correspond aux valeurs dite féminines: la douceur, la retenue… Existe t’il un degré d’engagement féministe dans ce genre de représentation?

Parallèlement, d’autres femmes viennent  porter un discours résolument féministe (dénonciation des violences faites aux femmes, la représentation du corps féminin) : les meuf-in-stage sont donc un espace-temps ambivalents. Ouvertement féminin, il n’en demeure pas moins que considérer cet espace uniquement féminin et/ou féministe dépend de la réceptivité de chacun. En somme, le Rita plage veut montrer la diversité des manières d’être femme, de se sentir femme et rendre visible ses valeurs en ouvrant le champs des possibilités

 

Le Meuf-in-Stage, et Marlène appuie ces propos, est un lieu politique car on donne à voir des possibles : des possibilités de faire, d'être, qui renforcent le lien social et la notion de partage entre les acteurs, les individus. Par notre présence sur les lieux, nous pouvons dire que Rita-Plage est un endroit atypique, propice à cette création. Comme la chanteuse Fanny et sa Juliette qui pour la première fait des commentaires féministes sur des textes de la chanson française. Mais, encore, comme le dit une habituée c’est un lieu “original qui ose [...] ça change des autres lieux”. La volonté de fonder ce concept est aussi née dans le but de rendre le quartier plus vivant ; comme le souligne Philippe un habitant du quartier “ Dans le coin, y’a pas grand chose. Le fait de rentrer dans un bar et avoir une scène c’est quelque chose ”, il semblait accorder de l’importance à ce lieu : en effet,  avec ses amis ils viennent régulièrement au Rita-Plage. De plus, on a relevé plusieurs fois “c’est ma deuxième maison”.

 

Nous pouvons dire que le lien social qui est créé répond à la structure multiculturelle du quartier : Marlène et Etienne proposent un bar alternatif se voulant populaire, inclusif, où la mixité sociale est rendue possible. Cela se retrouve également dans l’instauration d’une cagnotte “prix libre” pour financer les dépenses des repas ainsi que les artistes.

 

Une réflexion est en cours pour les gérants :  penser, prendre conscience du phénomène gentrification, qui prône un processus de transformation du profil économique et social d’un quartier urbain ancien au profit d’une classe sociale supérieure. pour les gérants, s’éloigner de ce processus serait-ce une façon de rendre plus satisfaisante la présence du Rita-Plage dans le quartier.